On va vous révéler un petit secret :
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le metaverse, ça n’a rien de nouveau 😉
Eh oui, en la matière, Mark Zuckerberg n’a rien inventé ! Il essaie juste de donner vie à un vieux rêve que d’autres ont imaginé à sa place…
(Ce qui n’est pas rien, on est d’accord)
D’ailleurs, saviez-vous que l’on parle du metaverse depuis le début des années 90 ? Ça fait déjà plus de 30 ans !
Entre-temps, il s’est passé beaucoup de choses, et certains ont déjà essayé de lancer leur propre metaverse.
Aujourd’hui, nos deux mascottes Red et Blue vont vous raconter l’histoire de Second Life, l’un des premiers modèles du genre.
Prenez du thé ou un café, installez-vous confortablement, et c’est parti 👇
Second Life, c’est quoi ?
[Red] – Excellente question ; vous avez raison, autant commencer par là. Second Life, c’est un jeu mort et enterré dans lequel les joueurs pouvaient s’inventer une nouvelle vie en ligne. Voilà, fin de l’histoire, merci de nous avoir suivi !
[Blue] – Ah oui, là, tu fais fort. Et si on évitait de s’écharper dans ce billet, et que l’on se contentait d’expliquer objectivement de quoi il s’agit ?
[Red] – D’accord, pardon. Je reprends depuis le début : Second Life a été créé dans le début des années 2000 par Linden Lab. Je dois reconnaître qu’elle n’était pas constituée de n’importe qui : Rosedale a débauché des vétérans d’Electronic Arts, d’eBay, de Disney ou encore d’Apple. Au début, l’objectif était de développer de l’équipement pour des mondes virtuels, un peu comme l’Oculus Quest…
[Blue] – Oui, sauf qu’à l’époque, la technologie n’était pas la même qu’aujourd’hui, et le prototype développé, une espèce d’armature portée sur les épaules, n’était franchement pas utilisable par le commun des mortels.
[Red] – Voyant que son entreprise allait droit dans une impasse, Philip Rosedale, le fondateur de Linden Lab, a changé son fusil d’épaule pour créer Linden World.
[Blue] – Il s’agissait d’un logiciel où des joueurs pouvaient interagir et effectuer ensemble des activités, le tout en 3D. Vous l’aurez compris, il s’agissait de l’embryon de Second Life !
[Red] – Exact, et ce dernier est d’ailleurs apparu en 2003. Rosedale a annoncé la couleur dès le départ : son ambition, c’était de créer une plateforme meilleure que le monde réel – oui, rien que ça – en laissant le soin à ses utilisateurs d’inventer tout et n’importe quoi. Le metaverse Zuckerbergien, on est en plein dedans, et même 20 ans avant.
[Blue] – Oui, et c’est l’une des principales caractéristiques de Second Life : les utilisateurs créent leur propre avatar – avec plein d’options de personnalisation, avant de déambuler dans des univers en 3D eux aussi créés par leurs soins, qu’il s’agisse d’objets, de plantes, de bâtiments, voire même de sons et d’animations…
[Red] – De sacrées économies de budget pour Linden Lab, au passage.
[Blue] – Ce n’est pas faux, puisqu’à ce moment-là, Linden Lab se charge essentiellement de gérer les serveurs. Plus tard, ils feront également des mises à jour du rendu graphique. Il faut dire qu’on part de loin en 2003, en termes de visuel…
[Red] – Au passage, et tu vas encore dire que je suis sarcastique, mais le lancement de Second Life n’a pas été de tout repos : entre les lags récurrents et l’impossibilité de jouer à plus d’une centaine sur le même serveur, on a connu mieux, comme metaverse.
Mais… qu’est-ce qu’on fait dans Second Life ?
[Red] – Ah, merci de poser la question. Eh bien, c’est simple : on n’y fait rien.
[Blue] – Ou plutôt, on y fait ce que l’on veut. Contrairement à un jeu vidéo multijoueur traditionnel, il n’y a pas de quête, pas d’objectif imposé par un scénario. Comme son nom l’indique, Second Life invite ses utilisateurs à faire l’expérience d’une deuxième vie en ligne, en construisant notamment tout ce qu’ils veulent et, surtout, en interagissant avec les autres. La dimension sociale est extrêmement importante !
[Red] – C’est même le leitmotiv de Linden Lab : pour eux, un metaverse doit être créé et géré par les personnes qui y vivent. C’est en tout cas ce qu’avait déclaré en 2021 Anya Kanevsky, la responsable produit de Second Life. Encore une fois, ça arrange bien Linden, puisqu’ils se contentent de faire de la maintenance…
[Blue] – À partir du moment où un metaverse est un reflet virtuel du monde réel, ce sont en effet ses utilisateurs qui doivent le gérer, sinon ce n’est pas un metaverse. Charge à l’entreprise de fournir les outils de conception et de maintenir son existence. Mais bref, nous nous égarons du sujet.
[Red] – Admettons. Et puisqu’un metaverse est un reflet du monde réel, selon ta définition, on y retrouve également… de la publicité et de l’argent. Peu après son lancement, Second Life a sacrément buzzé aux États-Unis, et en 2006, la marque de prêt-à-porter American Apparel y ouvre une première boutique, suivie par de nombreuses autres, mais aussi par des institutions, des universités, des ambassades de pays… Pour rappel, en 2007 en France, lors de l’élection présidentielle, certains candidats avaient investi Second Life !
[Blue] – Tu parles d’argent sur une note négative, mais moi, je trouve fascinant que ce metaverse ait – et possède encore – sa propre économie. Il s’agit du dollar Linden, convertible en authentiques dollars US. Les utilisateurs sont donc libres de commercer avec les autres et d’échanger des services ou des biens virtuels.
[Red] – Puisque tu vas par-là, autant parler d’Anshe Chung. Cette institutrice allemande, d’origine chinoise, a gagné une véritable fortune en proposant d’abord des services virtuels d’escort – oui, oui ! – avant de fonder un véritable empire immobilier sur Second Life, puisque le fonctionnement du marché immobilier là-bas est calqué sur le monde réel, avec des possibilités d’achat et de location de terrain. En deux ans et demi, elle est devenue millionnaire.
[Blue] – Elle n’est pas la seule dans ce cas. Il y a eu Catherine Fitzpatrick, qui gagnait de 100 à 200 dollars par mois grâce à l’immobilier, ou encore Jennifer Grinnell, qui a créé sa ligne de vêtements virtuelle.
[Red] – L’argent coulait tellement à flots à l’époque que Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, s’en était même inquiété. Bref, en résumé, que font les gens sur Second Life ? Ils essaient de devenir riches, comme dans la vraie vie.
Quid de la dimension sociale dans Second Life ?
[Blue] – Tu exagères. Comme on le disait tout à l’heure, il y a également une importante dimension sociale sur Second Life. Il existe par exemple de nombreuses communautés de joueurs soudées autour de certaines valeurs, ou de certaines passions. D’autres organisent des débats philosophiques, font des concours, des concerts… il y a même des clubs littéraires ! C’est sans limite, avec les particularités du virtuel, puisqu’il est possible de voler, de se téléporter, voire même de se balader à dos de chauve-souris…
[Red] – Sans limites, oui, c’est bien le mot, y compris au niveau du sexe – car oui, cette activité bien humaine est omniprésente dans Second Life, un peu trop d’ailleurs, puisque l’on peut y retrouver les pratiques les plus débridées – voire les plus interdites, avec d’authentiques animations en 3D. Certains ont pris cette fameuse « seconde vie » un peu trop au pied de la lettre…
[Blue] – Toute ressemblance avec le monde réel est étonnamment fortuite… Blague à part, le pire côtoie effectivement le meilleur. Mais ça, ce n’est pas la faute de Second Life : l’humain restera toujours le même, où qu’il se trouve, dans le réel comme dans le virtuel.